Lundi, Paris, Rome et Bruxelles ont commenté le blocage, dimanche à la frontière franco-italienne, d'un train d'immigrés tunisiens. Une situation "compliquée mais légale", affirme deux avocats qui la décryptent pour leJDD.fr.

Alors que la presse italienne se déchaîne au sujet du blocage par les autorités françaises, dimanche, d'un train de migrants tunisiens en direction de Nice, Claude Guéant s'est justifié lors de son déplacement, lundi matin, à Bucarest. Selon le ministre français de l'Intérieur, rien n'a été effectué à l'encontre des règles européennes et de la convention de Schengen. Ce que confirme la Commission européenne, interrogée par les agences de presse. Reste que pendant six heures, dimanche, la ligne ferroviaire entre Vintimille et Menton, respectivement villes frontières en Italie et en France, a été fermée. Motif évoqué: le risque de troubles de l'ordre public, une manifestation devant alors se tenir côté français. Les détracteurs de l'Etat français pointent le fait que la majorité des immigrés tunisiens présents dans le train bénéficient bien d'un permis de séjour temporaire, délivrés il y a deux semaines par les autorités italiennes.

"La réserve émise quant à l'atteinte à l'ordre public est tout à fait légale", assure Laure Navarro, avocate à Paris spécialisée dans le droit des étrangers. En effet, l'ordre public prime sur l'ouverture des frontières instaurées par la convention de Schengen. "Mais ce n'est pas la bonne solution", nuance Me Navarro ajoutant que "fermer une frontière n'empêchera pas un immigré régularisé de circuler au sein de l'espace Schengen". Les Tunisiens, retenus dimanche à la frontière, ont pour la plupart bénéficié d'un permis de séjour de six mois, délivré par Rome le 7 avril. Ce document leur permet de circuler pendant trois mois en France.

Des consignes compliquées à appliquer

Une circulaire, émise le 6 avril par le ministère de l'Intérieur, spécifie toutefois que les migrants concernés doivent pouvoir remplir une série de conditions. Ils doivent ainsi posséder au moins 31 euros par jour, le temps de leur séjour sur le territoire français. "Cette circulaire est toutefois limitée dans le temps et n'a pas de pouvoir réglementaire", assure Rachid Hached, docteur en droit et également avocat au barreau de Paris. "Le permis de séjour délivré par l'Italie permet de circuler dans tout l'espace Schengen et la France peut difficilement aller à l'encontre de ça", ajoute-t-il. Dans le cas du train bloqué dimanche, la décision des autorités françaises était toutefois motivée par le risque de troubles de l'ordre public, et non par le risque d'afflux migratoire.

Pour Laure Navarro, la circulaire n'est pas "illégale" mais reste "compliquée à appliquer". "Les possibilités de contrôle existent, mais il faudrait des moyens colossaux pour les mettre en œuvre", explique l'avocate. La police ne dispose pas toujours de locaux adaptés pour les gardes à vue par exemple. Par ailleurs, la Cour européenne a interdit la France, depuis juin 2010, de procéder à des contrôles systématiques aux frontières internes à l'espace Schengen. Les autorités françaises doivent donc motiver tout renvoi aux frontières, ce qui ralentit les procédures. "Le droit communautaire est plus souple que le droit français", commente Me Navarro.

Quand bien même un migrant tunisien respecte les conditions évoquées dans la circulaire du 6 avril, il ne devrait pouvoir bénéficier ni du droit d'asile –la situation en Tunisie est désormais moins compliquée–, ni de la politique d'immigration choisie –leur demande de "procédure d'introduction" devant être effectuée en Tunisie au consulat de France. Un parcours du combattant quasi-impossible

Ce vendredi matin, Claude Guéant a rencontré à Milan son homologue italien, Roberto Maroni. La réunion a duré plus de quatre heures, le temps d'une réconciliation de façade.

 

Dans les faits, le ministre de l'Intérieur continue de faire croire qu'il a le pouvoir de stopper les Tunisiens de Lampedusa aux frontières françaises (ce qui énerve l'Italie). Les associations dénoncent quant à elles une posture électorale.

« Subir une vague d'immigration »

Claude Guéant est arrivé à Milan le torse en avant. La veille, le ministre de l'Intérieur italien avait annoncé que Rome allait octroyer des permis de séjour temporaires dans l'espace Schengen aux 25 000 Tunisiens arrivés à Lampedusa.

 

Beaucoup de Tunisiens ont de la famille ou des connaissances en France. Rome leur « offrait » donc l'opportunité d'aller les rejoindre temporairement (pourquoi devrait-il seuls supporter le flux migratoire ? ).

 

La France n'a pas du tout apprécié, refusant de « subir une vague d'immigration ». Le ministre de l'Intérieur a envoyé le jour même une circulaire aux préfets pour rappeler les conditions très strictes de circulation dans l'espace Schengen – censées neutraliser le permis italien. Paris plus forte qu'un traité européen.

 

Le ministre de l'Intérieur italien s'en est offusqué :

 

« Les Tunisiens auxquels nous accorderons le permis de séjour auront le droit de circuler. La France ne peut pas l'empêcher, sauf en sortant de Schengen ou en suspendant le traité. »

 

Une position absurde

La position française apparaît absurde et contre-productive. Laure Navarro, avocate spécialiste du droit des étrangers, rappelle qu'il n'y a pas de contrôles systématiques aux frontières dans l'espace Schengen :

 

« Dans la pratique, c'est mission impossible d'imposer des conditions d'entrée aux Tunisiens, à moins de mettre en œuvre des moyens très importants. »

 

José Lagorce, intervenant juridique pour la Cimade au centre de rétention de Nîmes, explique que des centaines de Tunisiens sont déjà entrés en France sans difficulté.

 

Contrairement à ce que dit le gouvernement, ils ne sont pas tous raccompagnés à la frontière (une directive européenne datant de 2008 impose un délai de retour volontaire et permet leur libération).

 

L'intervenant de la Cimade :

 

« Si la France refuse de prendre en compte le permis de séjour, avec une adresse et un temps donné, les migrants entreront dans la clandestinité et se perdront dans la nature. »

 

Estrosi : « Ces gens ne rentreront pas en France »

Ce vendredi, Claude Guéant a persisté : « Il est clair que l'autorisation de séjour que les Italiens vont délivrer permet la libre circulation. » Avant d'ajouter : « Dans le respect des conditions définies par le traité. »

 

Le matin même, sur Europe 1, Christian Estrosi, affirmait qu'aucun Tunisien ne pénétrerait en France, grâce à la vigilance du ministre de l'Intérieur et sa circulaire envoyée aux préfets. Selon lui, « aucun » des migrants tunisiens « ne remplira les conditions […] ». Il les a détaillées :

 

l'autorisation de séjour ;

un document de voyage ;

des ressources suffisantes ;

ne pas constituer une menace à l'ordre publique ;

et ne pas être rentré en France depuis trois mois.

Le maire de Nice a décrété : « Ces gens ne rentreront pas en France. » (Voir la vidéo)

Capter l'électorat FN sur la question de l'immigration

Toujours ce vendredi matin, Christian Estrosi a demandé que « la France arrête de distribuer un certain nombre de prestations sociales d'un niveau supérieur à l'ensemble des autres Etats membres de l'UE » aux migrants. Et de repartir sur les conditions d'octroi de la CMU, de l'AME…

 

Le ministre italien de l'Intérieur a été l'un des premiers à interpréter la position française sur les Tunisiens de Lampedusa, jeudi soir lors de l'émission télévisée « Porta a Porta » :

 

« Je comprends qu'il y a des élections en France en 2012 et que Sarkozy subit la concurrence de l'extrême droite, mais mettre des troupes aux frontières est la plus grosse erreur. »

 

Pierre Henry, directeur général de France terre d'asile, se met en colère :

 

« La France est dans la surenchère nationale, elle veut faire croire à une partie de l'opinion qu'elle agit. »

 

Le militant rappelle que pendant la guerre des Balkans, l'Europe avait su faire face à un flux migratoire plus important :

 

« Qu'est ce qu'il s'est passé pour que 20 000 personnes provoquent une telle crise ? »

 

 

Selon Guéant, miracle ! Les Tunisiens s'arrêtent à la frontière

Ce vendredi matin, Claude Guéant a rencontré à Milan son homologue italien,Roberto Maroni. La réunion a duré plus de quatre heures, le temps d'une réconciliation de façade.

Dans les faits, le ministre de l'Intérieur continue de faire croire qu'il a le pouvoir de stopper les Tunisiens de Lampedusa aux frontières françaises (ce qui énerve l'Italie). Les associations dénoncent quant à elles une posture électorale.

« Subir une vague d'immigration »

Claude Guéant est arrivé à Milan le torse en avant. La veille, le ministre de l'Intérieur italien avait annoncé que Rome allait octroyer des permis de séjour temporaires dans l'espace Schengen aux 25 000 Tunisiens arrivés à Lampedusa.

Beaucoup de Tunisiens ont de la famille ou des connaissances en France. Rome leur « offrait » donc l'opportunité d'aller les rejoindre temporairement (pourquoi devrait-il seuls supporter le flux migratoire ? ).

La France n'a pas du tout apprécié, refusant de « subir une vague d'immigration ». Le ministre de l'Intérieur a envoyé le jour même une circulaire aux préfets pour rappeler les conditions très strictes de circulation dans l'espace Schengen – censées neutraliser le permis italien. Paris plus forte qu'un traité européen.

Le ministre de l'Intérieur italien s'en est offusqué :

« Les Tunisiens auxquels nous accorderons le permis de séjour auront le droit de circuler. La France ne peut pas l'empêcher, sauf en sortant de Schengen ou en suspendant le traité. »

 

Une position absurde

La position française apparaît absurde et contre-productive. Laure Navarro, avocate spécialiste du droit des étrangers, rappelle qu'il n'y a pas de contrôles systématiques aux frontières dans l'espace Schengen :

« Dans la pratique, c'est mission impossible d'imposer des conditions d'entrée aux Tunisiens, à moins de mettre en œuvre des moyens très importants. »

 

José Lagorce, intervenant juridique pour la Cimade au centre de rétention de Nîmes, explique que des centaines de Tunisiens sont déjà entrés en France sans difficulté.

Contrairement à ce que dit le gouvernement, ils ne sont pas tous raccompagnés à la frontière (une directive européenne datant de 2008 impose un délai de retour volontaire et permet leur libération).

L'intervenant de la Cimade :

« Si la France refuse de prendre en compte le permis de séjour, avec une adresse et un temps donné, les migrants entreront dans la clandestinité et se perdront dans la nature. »

 

Estrosi : « Ces gens ne rentreront pas en France »

Ce vendredi, Claude Guéant a persisté : « Il est clair que l'autorisation de séjour que les Italiens vont délivrer permet la libre circulation. » Avant d'ajouter : « Dans le respect des conditions définies par le traité. »

Le matin même, sur Europe 1, Christian Estrosi, affirmait qu'aucun Tunisien ne pénétrerait en France, grâce à la vigilance du ministre de l'Intérieur et sa circulaire envoyée aux préfets. Selon lui, « aucun » des migrants tunisiens « ne remplira les conditions […] ». Il les a détaillées :

  • l'autorisation de séjour ;
  • un document de voyage ;
  • des ressources suffisantes ;
  • ne pas constituer une menace à l'ordre publique ;
  • et ne pas être rentré en France depuis trois mois.

Le maire de Nice a décrété : « Ces gens ne rentreront pas en France. »

Capter l'électorat FN sur la question de l'immigration

Toujours ce vendredi matin, Christian Estrosi a demandé que « la France arrête de distribuer un certain nombre de prestations sociales d'un niveau supérieur à l'ensemble des autres Etats membres de l'UE » aux migrants. Et de repartir sur les conditions d'octroi de la CMU, de l'AME…

Le ministre italien de l'Intérieur a été l'un des premiers à interpréter la position française sur les Tunisiens de Lampedusa, jeudi soir lors de l'émission télévisée « Porta a Porta » :

« Je comprends qu'il y a des élections en France en 2012 et que Sarkozy subit la concurrence de l'extrême droite, mais mettre des troupes aux frontières est la plus grosse erreur. »

 

Pierre Henry, directeur général de France terre d'asile, se met en colère :

« La France est dans la surenchère nationale, elle veut faire croire à une partie de l'opinion qu'elle agit. »

 

Le militant rappelle que pendant la guerre des Balkans, l'Europe avait su faire face à un flux migratoire plus important :

« Qu'est ce qu'il s'est passé pour que 20 000 personnes provoquent une telle crise ? »